UN POÈTE DE COUR AU SIÈCLE DES COMNÈNES 157 ques, il n’a pas hésité à emprunter le langage du peuple, et par là il est un créateur. On voit que Théodore Prodrome, lorsqu’il était si fier d’être un savant, un homme instruit, un homme de lettres, lorsque, avec quelque vanité, il faisait les honneurs de son talent n’avait point tort en somme. Et cet orgueil naïf complète assez bien sa physionomie de littérateur. Il a quelque part opposé assez plaisamment aux grands prédicateurs, « aux nouveaux Moïses et aux nouveaux Aarons', qui tonnent avec Jean, embouchent la trompette avec Paul et ont toujours à la bouche les saintes Écritures », les pauvres gens de lettres, « esclaves de la matière, obligés de consacrer l’essentiel de leur vie à s’asservtr aux vains usages du monde, et qui donnent à la philosophie le temps qu’ils peuvent dérober à ces obligations ». On sent qu’il est fier d’être de ceux-là, et qu’il s’estime assez au total de devoir ce qu’il est à sa plume et à son talent. Et, en effet, il semble bien que ses contemporains prisaient fort sa littérature. On a vu en quels termes flatteurs parle de lui son confrère le poète du manuscrit de Venise. Ailleurs il est nommé « le philosophe », « l'illustre entre les sages ». Quelles qu’aient été les misères de son existence, la destinée avait ménagé à son amour-propre littéraire quelques compensations assez belles, et qu'il avait méritées. V La vie, à l’en croire, ne lui en apporta guère d’autres, A toutes ses infortunes que nous savons déjà, à sa pauvreté, à ses maladies, à ses déboires, s’ajoutait