48 FIGURES BYZANTINES eût mérité d’être transformée en un rocher inanimé. Il faut avouer qu’il y a quelque excès dans ces larmes, et que, si sincères qu’elles puissent être, elles finissent par agacer un peu. Il y a d’ailleurs iouL lieu de croire que, dans le récit de ses infortunes comme sur tant d’autres points qui touchent à sa personne, Anne Comnène, consciemment ou non, a quelque peu exagéré les choses et présenté les événements sous un jour plus tragique que véritable. Il se peut qu’en ses toutes dernières années, cette vieille princesse, survivante d’un âge disparu, qui avait toujours à la bouche le nom du grand Alexis son père, ait paru un peu encombrante et fastidieuse à son jeune neveu l’empereur Manuel et aux brillants courtisans qui l’entouraient. Mais il n’eût tenu qu’à elle peut-être de vivre en bonne intelligence avec son frère l’empereur Jean. Ce prince d’humeur clémente et douce ne garda, on l’a vu, nulle rancune au mari de sa sœur d’avoir été l’instrument des ambitieux projets d’Anne Comnène; il traita avec une semblable bienveillance les fils de cette sœur, et au lendemain même des intrigues ourdies par elle contre lui, il fit célébrer au palais impérial, avec une magnificence extrême, le mariage de ces deux jeunes gens. On sait aussi comment il pardonna à Anne Comnène d’avoir conspiré contre sa vie, comptant que cette magnanimité chevaleresque éveillerait quelque remords dans cette âme troublée et y ramènerait un peu d’affection. En tout cas, m ime dans sa retraite, la vie de la princesse fut moins isolée qu’il ne lui plaît à dire : on sollicitait sa protection, ce qui fait croire qu’elle n’était pas sans influence. Et enfin, si tristes, si mélancoliques qu’aient pu être les dernières années