DEUX ROMANS DE CHEVALERIE BYZANTINS 347 passages où la passion parle toute pure. Voyez par exempleen quels termes Rhodamné s’exprime, quand On lui apprend que son mari est vivant : « 11 vit, Lybistros. Il vit, lui qu’ont fait périr les artifices de la magicienne. Il vit, lui à qui mon amour a apporté la mort. Il vit, lui que mon âme a rassasié de tristesses. Il vit, lui qu’ont anéanti les peines qu’il a eues par moi. Mais, s’il est vivant, s’il est venu vers moi, qui lui a montré la route, qui lui a servi de guide? Et je ne puis croire qu'il soit venu. Car comment n’est-il pas lui-même venu vers moi? » Le trait final est d’une sensibilité profonde, d’une délicatesse jolie et passionnée. Mais c’est surtout du point de vue historique qu’il convient de considérer le poôme, pour tout ce qu’il nous apprend sur l’histoire de la société Comme dans le roman de Belthandros, l’élément latin tient une grande place dans l’histoire de Lybistros et Rhodamné. Le héros est un Latin, etle portrait que l’auteur fait de lui le montre vêtu, armé et rasé comme les gens de sa race. Son ami Klitobos est le neveu du roi d’Arménie, c’est-à-dire d’un prince que l’histoire nous montre en rapports constants avec les souverains des états francs de Syrie. Le monde que dépeint le poème est tout plein enfin des usages d’Occident. L’idée du lien féodal, de l’hommage lige qui unit le vassal au suzerain, y apparaît comme une chose familière, passée en quelque sorte dans les mœurs et le langage courant. Le compagnonnage chevaleresque, qui lie deux guerriers par un réciproque serment de fidélité et d’amitié, y paraît une institution connue. Les modes sont latines, môme dans la cour orientale du père de Rhodamné. La prin- ( cesse, dit le poème, était habillée de « vêtements