LES AVENTURES d’aNÜUONIC COMNÈNE 91 d’un contemporain, qui semblait digne du trône ». Le chroniqueur Nicétas, qui le connut bien, a fait de lui quelque part un joli et fin croquis, où il nous le montre vêtu d’une longue robe violette, la tête coiffée d’un bonnet pointu de couleur grise, caressant d’un geste qui lui était familier, quand il était ému ou en colère, sa barbe noire et frisée. Taillé en force, admirablement entraîné à tous les exercices du corps, entretenant par une attentive sobriété le parfait équilibre de sa santé et la grâce robuste de ses formes, inaccessible à la maladie, c’était un cavalier accompli, l’arbitre de la mode. A la guerre, ses exploits étaient d’un paladin. Courir seul à l’ennemi, en empruntant le bouclier et la lance du premier soldat venu, aller provoquer le chef du parti adverse jusqu’au milieu des siens, le désarçonner d'un coup de lance et revenir sain et sauf dans les rangs byzantins, tout cela n’était qu’un jeu pour lui : comme dit un écrivain du temps, « il ne respirait que la bataille ». Bon général, quand il voulait en prendre la peine, il se montrait alors plein d'expérience et de ressources. Il était en campagne l’idole des soldats, à la ville le modèle des jeunes nobles. Une intelligence de premier ordre animait ce corps d’athlète et de guerrier. « Auprès de lui, dit un historien, les autres hommes ne semblaient être que des brutes. » A une instruction très étendue et très variée il joignait une naturelle éloquence, et ses discours avaient une force de persuasion presque invincible. Il était enjoué, spirituel, d’un esprit railleur qui n’épargnait personne et ne savait pas retenir un bon mot. Prompt à saisir les ridicules, il excellait à draper les gens et les choses le plus drôlement du monde ;