62 FIGURES BYZANTINES line et prudente réserve de ses jeunes années : on la sentait présente, on ne la voyait ni ne l’entendait jamais. Une litière traînée par deux mules, au-dessus de laquelle flottait le pavillon impérial, décelait seule sa présence à l’armée; « son corps divin » demeurait invisible , et plus encore qu’au Palais Sacré son action se faisait volontairement mystérieuse. Elle ne craignait point toutefois, quand il fallait, « d’affronter les regards des hommes » ; elle savait, dans les conjonctures graves, faire preuve de courage, de sang-froid et de décision. Un jour que l’armée impériale campait en Asie Mineure, de grand matin on apporta la nouvelle que les Turcs étaient proches. Mais Alexis reposait encore : pour ne point troubler son sommeil, Irène ordonna à l’émissaire de se taire, ets’étantlevée, elle affecta, malgré son inquiétude, de vaquer à ses occupations accoutumées. Bientôt un nouveau messager annonce que les barbares s’avancent : malgré les craintes qui l’agitaient, l’impératrice prend sur elle et reste calme aux côtés de l’empereur. Sans souci du danger, les souverains se mettent à table, quand tout à coup un homme tout en sang vient s’abattre aux pieds d’Alexis, montrant le péril imminent et l’ennemi aux portes. Même alors, Irène reste impassible, « comme la femme forte dont parle l’Écriture »; si elle a peur, ce n’est que pour l’empereur. Lorsque enfin, à grand’peine, on la décide à veiller à sa propre sûreté et à s’éloigner de la bataille menaçante, elle s’en va à regret « se retournant sans cesse et regardant vers son époux ». Aussi n’est-ce point sans raison qu’Alexis à présent l’appelait « sa chère âme, la confidente de ses projets, la consola-