LES AVENTURES D’ANDRONIC COMNÈNE 127 l’empereur redoubla de rigueurs. Des arrestations nombreuses furent ordonnées ; les prisons regorgèrent de prétendus coupables; et, pour garantir la fidélité de ceux qu’on laissa libres, on les obligea, comme des suspects, à trouver des cautions parmi leurs amis. En même temps le basileus multipliait les précautions pour sa sûreté; il s’entourait de gardes, il se faisait escorter d’un chien formidable, capable de lutter contre un lion et de terrasser un cheval avec son cavalier, et la nuit, ce terrible animal veillait à la porte de la chambre impériale et, au moindre bruit, aboyait férocement. Mais, tout en sentant croître autour de lui le péril, Andronic sentait croître aussi dans son âme une énergie farouche à se défendre. « Par ces cheveux blancs que voilà, déclarait-il, les ennemis d’Andronic n’auront pas lieu de se réjouir. Si le destin veut qu’Andronic descende dans l’Hadès, c’est eux qui passeront devant et lui ouvriront la route. Andronic ne marchera qu’après. » Se souvenant, à cette heure décisive, de l’appui qu’il avait trouvé jadis dans le nationalisme byzantin, de nouveau il eut l’idée de ranimer ce feu toujours mal éteint. Il fit répandre le bruit que les succès normands n’étaient dus qu’aux agissements des traîtres vendus à l’étranger et il songea, à la faveur de ce prétexte, à proscrire en masse tous ceux qui le combattaient, íes prisonniers qu’il détenait dans ses cachots, leurs parents, leurs amis mômes qui lui semblaient hostiles à sa politique. On prépara, dit-on, les listes des victimes destinées à cette fournée colossale, et il fallut l’opposition violente du propre fils d’Andronic, Manuel, pour faire renoncer l’empereur à la prodigieuse exécution qu’il rêvait.