ANNE COMNÈNE SI Cependant, malgré tout cela, VAlexiade d’Anne , Comnène inspire au lecteur de l’inquiétude et de la défiance. Ce prétendu livre d’histoire est tout ensemble un panégyrique et un pamphlet. Et cela se conçoit sans peine. Quand, à la mort de Bryenne, la princesse se donna pour tâche de continuer l’œuvre historique commencée par son mari et de raconter à la postérité le règne d’Alexis, elle eut la tentation toute naturelle de parer de couleurs éclatantes l’époque où elle était heureuse, où elle espérait, où l’avenir lui souriait. En exaltant la grande figure d’Alexis, il no lui déplut point d’autre part de rabaisser un peu, par une comparaison inévitable, les successeurs du premier des Comnènes. Et elle notait, non sans quelque satisfaction secrète, les signes qu’elle croyait apercevoir de la décadence irrémédiable et rapide. « Aujourd’hui, écrit quelque part cette femme de lettres, on méprise, comme chose vaine, les historiens et les poètes et les leçons qu’on en peut tirer. Les dés et les autres amusements de ce genre, voilà le grand souci. » Ce n’était point ainsi que les choses se passaient autrefois à la cour d’Alexis, du pieux et illustre empereur que sa fille n’hésite pas à proclamer plus grand que Constantin et à associer à la troupe sainte des apôtres du Christ. L’excès même de ces louanges montre assez la tendance de ce livre, auquel Anne Comnène elle-même a donné ce titre significatif : VAlexiade, vrai litre de poème épique en l’honneur d’un héros de légende. Faut-il rappeler encore qu’Anne Comnène était très princesse, très byzantine, incapable par là de comprendre bien des événements de son temps, et de juger impartialement bien des hommes? On a dit déjà quels préjugés, quelle hostilité préconçue elle éprouve,