258 FIGURES BYZANTINES l’amènent à changer. » D’autre part, les manifestations se multipliaient en faveur de Cantacuzène. Sur le bruit de la démission du grand domestique, les soldats s’agitaient en faveur d’un chef qu’ils adoraient, et jusque dans la cour du palais, ils venaient à grands cris acclamer leur favori, invectiver le patriarche. Il fallut que le ministre, à la prière de la régente épouvantée, allât en personne raisonner ses tumultueux partisans. « Aussitôt qu’il apparut, raconte Grégoras, le trouble s’apaisa, les flots se calmèrent, la tempête se changea en bonasse. » Une telle popularité parmi les troupes netait point pour diminuer les inquiétudes d’Anne de Savoie. Entre elle et Cantacuzène, la rupture était donc fatale. Apokaukos, dont l’influence croissait à la cour, multipliait ses intrigues. « Comme un serpent, dit Cantacuzène, il sifflait à l’oreille de l’impératrice et la détournait du droit chemin. » Tous les moyens lui étaient bons, la flatterie, la corruption, le mensonge. Le patriarche lui donnait la réplique; jour et nuit il était au palais, excitant la princesse contre le grand domestique, vantant le dévouement et la fidélité d’Apokaukos. Celui-ci gagnait à ses vues, par d’opportunes libéralités, les familiers de la régente, et ainsi, dit Grégoras, « il gouvernait l’impératrice comme une esclave, et pareillement le patriarche, moins trompé par ses flatteries qu’effrayé de son énergie ». L’absence de Cantacuzène, qui guerroyait en Thrace, facilitait ces intrigues : aussi chacun des deux associés travaillait-il do son mieux à l’œuvre commune. Le prélat, « comme s’il avait en mains les clés du royaume céleste », promettait le paradis à celui qui, par poison, envoûtement ou conjuration