L existence de nombreuses équipes de ce genre, dans un art préludant à certaines réussites décoratives, a toujours son revers. En période de décadence, elle tend à rabaisser la qualité d’exécution au rang d’un métier. En des temps plus heureux, elle aboutit à certain ac-cadémisme, à la répétition monotone et quelque peu mécanique, bien que techniquement fort habile, d’une seule et même formule. Ce défaut, les statues de la cathédrale d’Amiens ne l’ont pas évité. Les historiens de la sculpture gothique ont remarqué le caractère presque officiel de la plupart d’entre elles, comparativement aux statues de Chartres et de Reims. Les meilleures ne sont pas exemptes de cette froideur, par exemple le Beau-Dieu, la célèbre statue du Christ, ornant le trumeau du portail central (pl. XLIl). L’idéalisme chartrain, toujours si franc, y est remplacé par une formule beaucoup plus conventionnelle, et les draperies maniérées de la silhouette succèdent à la noble simplicité des lignes qui marquaient le vêtement du Christ de Chartres. Les statues les plus intéressantes de la cathédrale d’Amiens sont celles qui, par groupes jumelés, représentent UAnnonciation, la Visitation et la Présentation au Temple (pl. XLIIl), ouvrages précurseurs des célèbres groupes de la cathédrale de Reims. Toutefois, le maître d’Amiens est loin d’atteindre ce mouvement de vie, cette richesse et cette variété dans les nuances du sentiment, dans les caractéristiques, les poses, les expressions, où l’on devait parvenir quelques années plus tard à Reims. 43