Dans ces ateliers où les moines s’occupaient d’architecture et de sculpture, des traditions fermées étaient allées s’élaborant au cours de tout un siècle. L’art roman du XIe au XIIe siècle, dans ses plus hautes réalisations, nous semble aristocratique; mais l’existence, parallèlement à celles-ci, d’ouvrages d’un niveau d’exécution totalement différent, donne à cet art, pris dans son ensemble, un caractère hétérogène. Tout en se révélant comme l’expansion géographique la plus large de mêmes formes rigoureusement élaborées, il ne laisse pas de manifester une diversité singulière de style et de niveau d’exécution dans l’enceinte d’une seule et même église. Et cela tient à ce que souvent, dans une seule et même église, des éléments locaux primitifs se heurtent aux éléments élaborés, universels, du style claustral. Les premiers sont plus sensibles dans l’art roman de l’Allemagne et de l’Italie — les seconds dans la sculpture romane de la France et de l’Espagne. Il n’y a pas lieu de s’attarder plus longuement sur une question fort intéréssante, qui est celle-ci: en vertu de quelles causes l’éclectisme roman, claustral et savant, atteignit-il son apogée en France? Les moines de Cluny, sous ce rapport, ne constituent pas une exception. Les Bénédictins du XIe siècle, en Italie, pour leurs fresques de Sant’Angelo in Formis, de San Clemente de Rome et de maintes autres églises, ont usé avec le même éclectisme de la grammaire et du lexique d’une langue étrangère — de la langue déjà fort bien constituée de la peinture byzantine. 14