6 raisonner, nier ou même mettre en discussion le droit de ceux qui voudraient concourir à perpétuer des anachronismes historiques avec la conservation de l’Etat Austro-Hongrois. Personne ne s’est avisé d’accuser d’inconséquence les démocraties de France et d’Angleterre pour le fait de n’avoir pas réclamé la régularisation des questions du Maroc, de l’Egypte et de celle, encore plus importante, de Constantinople, sur la base du principe des nationalités. C’est que tous sont bien convaincus qu’il existe des nécessités réelles et pratiques qui ont inévitablement le dessus sur la théorie. Les soi-disant manifestations de la volonté populaire ont également une valeur très relative. La France se souvient de beaucoup d’actes patriotiques et de beaucoup de sacrifices accomplis en son nom en Alsace-Lorraine, mais aucun français ne pourrait dire avec certitude que la majorité des Alsaciens et des Lorrains soit favorable au retour de leur pays à la France. Or qu’importe cela ? Plus que la majorité arithmétique, c’est le nombre des martyrs tombés pour la France, qui vaut; c’est la haute idéalité des apôtres de l’esprit français, qui vaut; c’est le droit historique, représenté par la proclamation de Bordeaux en 1871 et par la violence que l’Allemagne a commise avec l’annexion, qui vaut; ce sont les siècles d’histoire commune vécus par les Français, les Alsaciens et les Lorrains, qui valent; c’est l’aspiration séculaire à la frontière du Rhin, qui vaut; c’est, enfin, le droit sacré de toute nation à des confins sûrs pour la défense de son patrimoine de civilisation, qui vaut. Ces remarques suffisent, croyons-nous, pour démontrer que les questions nationales ne se résolvent point à l’aide de l’arithmétique élémentaire. Et si parmi les nombreux problèmes nationaux de l’Europe, il en est un, complexe et difficile, dont on ne peut venir à bout sans un examen minutieux et impartial des circonstances