52 constituent, quoique sous des aspects différents, un intérêt européen antigermanique. La Bohême qui, réunie à la Moravie et au pays des Slovaques, semble destinée à être un rempart stratégique contre le germanisme, a, du côté de l’Allemagne, des confins naturels harmonieux et précis, formés par trois chaînes de montagnes: le Bôhmerwald, les Erzgebirge et les Riesengebirge — trois noms allemands. — En effet, des vicissitudes historiques, vieilles de plusieurs siècles, ont, avec des flux et des reflux alternés, charrié sur le haut plateau bohème, au delà de ces montagnes, des millions d’Allemands. Malgré cela, il n’est venu à l’idée de personne en Europe -— les Allemands exceptés — que les frontières du futur Etat bohème puissent être tracées en deçà de la ceinture montagneuse, le long de la ligne incertaine et tortueuse des confins linguistiques. Mais, dira-t-on, les Allemands sont... allemands et ne méritent pas les égards que nous devons, par contre, à nos alliés Slaves. L’objection ne manque pas de vigueur, mais si même les Slaves de la Dalmatie n’étaient pas ce qu’ils sont, c’est-à-dire des Croates attachés à l’Autriche pour la plupart, cette objection ne pourrait suffire à intervertir les termes du problème: Ou bien nous accordons, d’une façon simpliste, une valeur absolue au principe des nationalités, et alors certaines distinctions ne tiennent plus, ou bien nous soumettons ce principe aux exigences catégoriques de l’intérêt général, pour la paix et la prospérité futures de l’Europe civilisée, et alors nous réduisons la question à un examen comparatif des deux nécessités, à savoir: celle de donner l’Adriatique aux Italiens et celle de donner la Bohême aux Tchèques. Si les préjugés vétustes et l’obstacle de vieilles idéologies ne nous arrêtent pas, nous devons conclure que l’une vaut l’autre, pour le moins.