56 « 1/ affection des Dalmates pour Venise était si forte et si tenace qu’elle continuait à brûler dans leurs poitrines alors même qu’elle s’était éteinte chez les Vénitiens... ». « Des Dalmates lui offraient (à Venise) leur sang, avec insistance... ». 1 « Ils lui ont donné ce qui coûte le plus aux forts: des larmes... ». « Ils ont versé des larmes solennelles — inoubliables — de regret pour le maître ancien en présence du maître nouveau... ». C’est une page émouvante d’histoire que le cri de douleur s’étant levé de toutes les poitrines dalmates au lendemain de l’inique marché de Campoformio qui abandonnait la Vénétie à l’Autriche; et ce sont encore des souvenirs sacrés, pour tout cœur italien, que ces processions portant alors, à travers les rues des petites villes dalmates, les étendards désolés de Saint Marc qu’on devait déposer sous les autels des églises. Quelle était donc la source de tant d’amour ? Antonio Baiamonti nous l’explique avec des paroles élevées: « Tandis qu’au moyen âge, des peuples, quoique non divisés par la langue et par le territoire, s’entre-déchiraient en guerres fratricides et remplissaient le monde de leurs gestes sanglants; tandis que l’esprit féodal régnait presque partout en maître et que les puissants, fiers et jaloux de leur position, foulaient aux pieds les déshérités en les privant de tout droit civil et politique, la Dalmatie offrait le spectacle merveilleux de deux races qui, conduites sur ses rives par des voies et par des intérêts différents, Vivaient depuis ce temps-là en un accord fraternel, bien que l’une fût cultivée et dominatrice et l’autre ignorante et attachée à la glèbe. Mais la plus belle page pour nous, Italiens — page que nos adversaires ne pourront jamais détruire — est celle qui se rapporte à la souve-