LES TURCS ENTRE L’OCCIDENT ET l’oRIENT 103 conclut formellement, tout au moins à la complicité du gouvernement de Berlin: « Les Turcs, — écrit Mgr Berré, — étaient incapables d'organiser, à eux seuls, d’une manière aussi savante, aussi habile, aussi méthodique, une entreprise de cette envergure. » Ce témoignage est celui d’un homme qui a vécu et travaillé en Turquie pendant trente-quatre ans. Les chefs de l'Union et Progrès, qui gouvernaient alors l’Empire, et les agents civils et militaires de la politique allemande se trouvèrent complètement d’accord sur la nécessité de détruire l’élément chrétien. Le fanatisme religieux et révolutionnaire qui inspirait les premiers devint un instrument commode aux mains des seconds, qui voulaient faire place nette et se débarrasser de populations riches, intelligentes, relativement organisées, qu’ils savaient fort attachées à la tradition française et d’autant plus réfractaires à leurs projets. « Je n’ai pas oublié, — écrit encore Mgr Berré, — la parole d’un officier supérieur de l’armée allemande qui disait, en tendant le poing vers les montagnes du Liban, où les maisons des chrétiens étaient partout pavoisées à l’occasion de la présence en rade de Beyrouth d’une escadre française : « Si j’étais le maître de ce pays seulement pendant huit jours, les Maronites paieraient cher leurs démonstrations d’amitié pour la France ! » La victoire des Alliés interrompit l’exécrable entreprise et sembla, pour un temps, réduire à l’im-puissance l’effort des Allemands en Asie. Cependant le plan conçu par les pangermanistes et remis au point par Ludendorff ne fut jamais complètement