LES MINORITÉS NON-MUSULMA.NES EN TURQUIE 211 rejoindre en masse leurs frères de Cilicie: ainsi la population se fût trouvée assez nombreuse pour assurer la mise en valeur d’un pays exceptionnellement fertile. Les territoires de la Mésopotamie septentrionale, que nous n’avions pas encore cédés aux Turcs, semblaient devoir se prêter à cette migration, puisque, par Diarbékir, Orfa et Marache, ils formaient comme un large couloir de communication entre les vilayets orientaux et la Cilicie. Cette conception du home arménien avait parmi les catholiques des partisans d’autant plus nombreux, que la population arménienne de Cilicie était en grande majorité catholique. Je la retrouvai chez un laïque fort intelligent, qui me fit un jour le tableau des avantages économiques, politiques et militaires que la France retirerait d’une telle création. Le tableau était séduisant. J’objectai pourtant à l'Àrménien que notre pays avait reçu le mandat pour la Syrie et ne pouvait guère en postuler un autre. Il s’écria : « Pourquoi la France accepte-t-elle le mandat sur les Syriens, qui ne veulent pas d’elle, et refuse-t-elle le mandat sur les Arméniens, qui l’appellent à grands cris et n’attendent que d’elle leur salut? » Je ne rapporte cette boutade que pour caractériser un état d’esprit, où il entrait plus d’exaspération que de conviction réfléchie. Les événements survenus depuis lors ont d’ailleurs rendue superflue toute discussion au sujet du « home arménien » de Cilicie. Dans les milieux grégoriens, on ne se désintéressait point de la région qui comprend Césarée, Tar-sous, Mersine et Adana ; mais on se préoccupait encore davantage du sort réservé aux vilayets