CONSTANTINOPLE ET LE CONTRÔLE INTERALLIÉ 33 avait mis à leur disposition les ressources éparpillées entre tant de comités tapageurs et malhabiles ! A un diplomate étranger qui lui demandait à quoi il occupait ses loisirs, le prince héritier de Turquie, xVbdul Medjid Effendi, dont le palais reflète sa longue façade blanche dans les eaux du Bosphore, répondit en souriant : « Quand je m’ennuie, je braque ma lunette à une fenêtre et j’observe ce qui se passe sur vos bateaux de guerre. Le spectacle est peu varié, mais agréable : on y danse toujours. » Le diplomate s’empressa d’observer qu’on y dansait le plus souvent par charité. L’impression produite sur un simple curieux, comme j’étais, par cette succession ininterrompue de réjouissances diplomatiques, militaires et navales, étalées aux yeux d’un peuple malheureux et souvent affamé, était franchement déplaisante, pour ne pas dire odieuse. La meilleure excuse de tous ces organisateurs de fêtes, c’est qu'ils ne soupçonnaient que très vaguement la misère qui les environnait. Je n’oublierai jamais l'impression de stupeur que produisit sur le plus élégant et le plus respectable des auditoires le rapport d’une femme de grand mérite, qui avait entrepris de lutter contre la mendicité et le vagabondage. « Rien ne saurait, — disait Mme Nar, — vous donner une idée du degré de pourriture où croupit l’enfance de Péra ; elle est devenue la proie des appétits bestiaux déchaînés par la guerre. Dans un seul orphelinat, 200 enfants sont atteints d’un mal d’yeux, qui, au témoignage des médecins, est d’origine vénérienne. Quoi d’étonnant? c’est par groupes que les fillettes de 8 à i3 ans vont à la Yéni-Djami, derrière le Tunnel, attendre les portefaix le long des