156 LA QUESTION TURQUE plement pour se conformer au Chéri, qui considère l’assistance mutuelle comme une des bases fondamentales de la morale et de la société, un musulman transfère de son vivant ou lègue après sa mort à l'Evkaf ses terres, ses maisons, ses meubles, sa bibliothèque. Avec les revenus des biens acquis de la sorte, l’Evkaf construit ou entretient des mosquées, des écoles, et des fontaines : ainsi la piété de quelques fidèles procure à tous les autres les moyens de prier, de s’instruire, d’étancher leur soif et de faire leurs ablutions, comme le prescrit la loi, avec une eau préservée de toute souillure ; ainsi, d’autre part, ont été sauvés de la dispersion ou de la destruction une quantité d’objets précieux au double point de vue de l’art et de l'histoire, et se sont constituées d’admirables collections de bijoux, de vêtements, de meubles, de reliures, de livres imprimés et manuscrits. La « Bibliothèque Nationale » installée dans un joli médressé, à quelques pas de la Mosquée du Conquérant, est actuellement conservée par son fondateur et ancien propriétaire. Pendant plus de trente ans, Ali Emiri Effendi, ancien fonctionnaire du Palais, a parcouru toutes les provinces de l’Empire, consacrant son talent et sa grande fortune à la recherche et à l’acquisition de tous les documents concernant l’histoire, les mœurs, les traditions de son pays. Il a réuni ainsi quinze mille volumes, rares ou uniques, et une importante collection d’autographes, où figurent, à côté des plus belles calligraphies persanes et arabes, des versets du Coran tracés par des mains impériales, un manuscrit de Jean-Jacques Bousseau et une lettre d’Emile Zola.