LES MINORITÉS NON-MUSULMANES EN TURQUIE 187 tion de jours. On trouvera sans doute un reflet de cet état d’esprit dans quelques-unes des conversations que je vais rapporter ; cependant le soin que j’ai pris de ne consulter que des hommes d’esprit assez large et de vues assez nettes pour dominer les circonstances, assure un certain caractère de généralité aux témoignages dont je fais état : ils traduisent moins encore l’impression d’un moment que le sentiment profond et réfléchi d’une situation définie depuis longtemps. Un Grec très parisien, fils d’un ancien ambassadeur de Turquie, et qui fut lui-même ministre du Sultan, avait bien voulu me faire rencontrer chez lui avec quelques-uns de ses compatriotes, choisis parmi les plus notables et les plus représentatifs de la nation. Notre hôte avait eu soin, sur ma prière, de définir lui-même l’objet de l’entretien : la question était de savoir si les Grecs pouvaient, oui ou non, continuer à vivre avec les Turcs et à faire partie de l’empire ottoman. « Après la signature du traité de Berlin — commença M. Ii.. — le prince de Bismarck dit à mon père: « Maintenant la Turquie a trente ans devant elle pour s’organiser et devenir une nation européenne. Mais je sais qu’elle n’en profitera pas. » Bismarck a été bon prophète : la Turquie est restée ce qu’elle était, et il est impossible qu’elle change. N’esl-ce pas Réchid Pacha, le ministre des Affaires étrangères de 1878, qui avouait : « Nous ne serons jamais des hommes comme les autres?» L’Europe s’est bornée à émettre des vœux, à proposer des réformes: elle eût mieux fait de les imposer, et, comme première garantie de progrès et de justice,