52 LA QUESTION TURQUE se rapprocher sensiblement de celle que déjà il y a dix ans j’avais trouvée très répandue, soit à Cons-tantinople, soit en Asie Mineure, et qu'on désignait alors sous le nom de Turquisme. Curieux de savoir jusqu’à quel point ce rapprochement ôtait justifié, je posai la question à un professeur de l’Université de Stamboul, qui est en même temps un poète original et un écrivain politique de talent, Yahya Kémal Bey. « Lorsque se forma, — m’expliqua-t-il — le courant d’idées qu’on a appelé turquisme, son caractère essentiel fut généralement méconnu, soit à l’étranger, soit môme dans noire pays. Les Turquistes raisonnaient ainsi : les réformateurs de l’époque du Tanzimat ont inventé le mot ottoman. A les en croire, il ne devait plus y avoir en Turquie ni Turcs, ni Grecs, ni Arméniens, ni Arabes, mais seulement des Ottomans. Qu’est-il arrivé? les Turcs ont fait le sacrifice de leur nationalité ; mais tous les autres ont soigneusement conservé la leur. L’Ottomanisme ne pouvait donc être réalisé qu’aux dépens des Turcs. Il n’a pas fait l’unité dans noire pays, et il y a maintenu, au contraire, une diversité qui constitue la principale faiblesse de l’empire. Mieux vaut un empire moins étejidu et plus fort. Seuls en feront partie les territoires peuplés, en majorité, par des Turcs musulmans. « Dans les milieux officiels ottomans, le turquisme fut mal accueilli : on y vit une doctrine de renonciation. Bientôt éclata la guerre balkanique, dont les leçons justifièrent en partie le système qu’on avait si dédaigneusement écarté. Puis ce fut la grande guerre, et le traité de Sèvres. Je vous assure