LA TURQUIE ET LES PUISSANCES 223 d’années en arrière. Longtemps la politique turque avait oscillé entre l’Angleterre et la Russie. Le jour vint où le jeune Guillaume II, rompant avec les principes de Bismarck, voulut faire une politique mondiale et, par conséquent, une politique orientale. L'Allemagne se présentait en Turquie sous les espèces sympathiques de la puissance désintéressée : elle n’avait pas d’ambitions territoriales dans le Levant, elle n’y possédait pas non plus de grands intérêts économiques : elle n’aspirait donc point à contrôler, sous aucune forme, le gouvernement de l’Empire. Autant de raisons pour plaire au sultan Abdul-Hamid, qui voulait être maître chez lui et s’était, institué le gardien jaloux de l’indépendance de la Turquie. Ce qui était encore bien fait pour rassurer le Sultan et le mettre en confiance, c’était la tradition monarchique, l'esprit d’ordre et de discipline, dont les Allemands faisaient partout étalage, et qui contrastaient avec les idées démocratiques et libérales si fort en honneur chez les autres peuples de l’Occident. Abdul-Hamid fit tout de suite grand accueil aux Allemands. « Ceux-ci ne tardèrent pas à déclarer leurs desseins : ils voulaient qu’une entreprise allemande construisît le chemin de fer destiné à relier Bagdad à Constantinople. Le Sultan accorda une première concession — Haidar-Pacha à Angora — avec garantie kilométrique ; lorsqu’on lui en demanda une seconde — Angora à Boulgourlou — il répondit : « Je n’ai plus d’argent. Construisez 200 kilomètres ; quand ce tronçon sera achevé et exploité, les bénéfices réalisés vous permettront d’en construire 200autres...»; c’est ainsi qu’il les tenait ou croyait les tenir.