174 LA QUESTION TURQUE ment cet état de choses a pu naître et subsister. On rappellera simplement, pour mieux faire comprendre les termes dans lesquels se pose aujourd’hui en Turquie la question des minorités, le grand principe à l’abri duquel les éléments non turcs se sont ménagés une autonomie de fait. La forme du gouvernement turc est essentiellement une théocratie, ayant à sa tête un souverain, qui en est à la fois le chef temporel et le chef religieux. Dans une telle organisation, non seulement l’Église et l’État, ne sont point séparés, mais ils sont unis au point de se confondre. Les Turcs reconnurent volontiers chez les peuples qu’ils avaient vaincus une constitution analogue à celle qu’ils s’étaient eux-mêmes donnée. Ils n’auraient point toléré que les Grecs, devenus sujets de l'empire, eussent un chef laïque, mais ils trouvèrent tout naturel qu’ils obéissent, en tant que chrétiens, à un chef religieux. Il n’est pas inutile d’observer en passant que le principe de la liberté des cultes était déjà reconnu et généralement appliqué par les Turcs au xve siècle, c’est-à-dire à une époque où l’Europe occidentale, en proie aux guerres et aux persécutions religieuses, ne le soupçonnait pas encore ; il est vrai qu’aux siècles suivants et jusqu’à ces derniers jours, l’Europe, devenue tolérante, a souvent frémi d’indignation et d’horreur devant les terribles excès du fanatisme musulman en Turquie. Les Grecs comprirent immédiatement le parti qu’ils pouvaient tirer des dispositions où ils trouvaient leurs vainqueurs. Ils se rallièrent autour de leur Patriarcat. Cette institution qui, déjà sous l’Empire byzantin, exerçait un certain pouvoir temporel, ne manqua point de le retenir.