8 T.A QUESTION TURQUE petite rue, on trouve un Karakol, ou poste de police turc. Ce triangle dangereux est soigneusement surveillé, et l’on voit passer et passer et repasser sur le trottoir, tantôt deux gendarmes français, tantôt deux carabiniers italiens, puis deux hommes de la police britannique. Dans une ville immense et surpeuplée, où les éléments les plus hostiles vivent côte à côte, sans parler des réfugiés de tous les pays, le maintien de l’ordre est une opération terriblement difficile. La fiction en vertu de laquelle les Hellènes ne sont en état de guerre déclarée qu’avec les nationalistes d’Anatolie, et entretiennent par ailleurs avec le gouvernement de Constantinople les mêmes relations que les Anglais, les Français ou les Italiens, vient encore compliquer la situation. J’ai vu des recruteurs hellènes en uniforme arrêter dans les rues de Constantinople des Grecs réfractaires et les emmener, parmi les protestations d’une foule menaçante ; les policiers turcs se retiraient à l'écart ou regardaient ailleurs. Lorsque les bateaux de la flotte de guerre hellénique rentraient à leur base, c’est-à-dire à l’enlrée du Bosphore, après avoir bombardé quelque village turc des bords de la Marmara, les matelots du roi Constantin descendaient à terre, envahissaient les caboulots de Galata et y vantaient bruyamment leurs exploits. A la fin de juillet et au début d’août 1921, lorsque les Hellènes étaient victorieux en Anatolie, sous-officiers et soldats grecs parcouraient la ville, montés sur des camions, en agitant des drapeaux et en hurlant des chansons patriotiques, qu’accompagnaient des gramophones, et ce vacarme se prolongeait pendant une partie de la