86 LA QUESTION TURQUE nales, et non pas tenter de les convertir au communisme. C’est pour avoir ignoré ou méconnu la tactique du gouvernement de Moscou, que l’opinion occidentale traita si légèrement de « bluff » et de chantage les avis alarmants qui venaient de Constantinople. Certes l’Anatolie était un médiocre terrain pour la semence bolchéviste. Tout paysan turc est un petit propriétaire. Le droit de propriété individuelle, imprescriptible, on pourrait dire éternel, est à la base de la législation et de l’organisation sociale islamiques. Le Turc musulman, rebelle au socialisme pour des raisons historiques et économiques, est hostile au communisme pour des raisons traditionnelles et religieuses. Tout cela est vrai, mais les agents de Moscou le savaient, ils s’en étaient rendu compte: aussi ne parlaient-ils plus de communisme aux Turcs d’Anatolie ; ils se contentaient d’entretenir, et au besoin d’exaspérer leur ressentiment et leur haine contre les puissances d’Occident. A Angora, leur tâche fut assez facile. Les ministres intransigeants, les amis d’Enver et de Talaat s’y trouvaient en grand nombre, tandis que les plus modérés, ceux qui passaient pour francophiles, étaient enfermés à Malte, par les soins des Anglais. On retrouvait dans la capitale nationaliste la plupart des journalistes marrons qui naguère à Constantinople, s’étaient vendus aux Allemands, et qui ne demandaient à présent qu’à se faire acheter par les Russes. Le « Comité d’Action et de Propagande pour l'Orient » n’eut que la peine de choisir. Les subsides, modestes, étaient répartis entre un grand nombre de personnes. Le mot d’ordre fut d’ein-