30 LA QUESTION TURQUE admirent le silence et la haute taille. La plupart des émigrés civils portent la casquette et la blouse de soldat ; s’ils grimpent dans un tramway et murmurent timidement : Asker (militaire), le receveur hausse les épaules et se contente de la moitié du prix. Il a fallu, pour indisposerles Turcs et réveiller leur inquiétude, la turbulence et la maladresse des ambitieux et des mystiques qui entouraient le général Wrangel. On sait comment celui-ci s’avisa de constituer à Constantinople une sorte de gouvernement, qu’il appela le « Conseil russe ». Le jour où ce Conseil fut inauguré (9 avril 1921), quelques-uns de ses membres prononcèrent des discours fort imprudents : M. Alexinski parla de la « nouvelle conscience russe » qui se formait sur les rives du Bosphore, au lieu même où la première avait pris naissance ; le Métropolite développa un thème analogue, insistant sur le lien religieux qui rattache tous les Busses à Constantinople, berceau et trône de l’orthodoxie. Les journaux de Stamboul s’émurent ; le 24 avril et les jours suivants, VAlemdar publia une série d’articles sur le « péril russe » ; on y énumérait les diverses organisations, politiques, économiques, sociales, scientifiques et religieuses que les Busses avaient fondées dans la capitale ottomane ; n’y avait-il point là l’indice d’une installation définitive ? Abusant d'une hospitalité confiante et largement offerte, les Busses étaient en train de faire,tranquillement et sans risques, la conquête de Constantinople. Enfin le journal turc s’élevait contre l’abus des loteries, bazars et bals de bienfaisance, patronés par des dames russes, dont les parures coûteuses, exhibées