162 LA. QUESTION TURQUE oueurs, je les voyais aussitôt suspendre leur jeu et prendre, en face de l’étranger que j’étais, une attitude convenable et silencieuse. « Ainsi le veulent nos usages — m’expliqua R.H... Bey. — Ce n'est pas seulement devant un étranger, mais devant toute grande personne, qu’un enfant turc doit, par respect, se tenir immobile et garder le silence. Jamais je n'aurais osé fumer une cigarette en présence de mon père. Biches ou pauvres, nous étions, jusqu’à ces derniers temps, des gens très bien élevés. Les plus modestes familles de Stamboul ne permettaient à leurs enfants aucun contact avec les enfants juifs, grecs ou arméniens. Puis les Turcs de Salonique sont arrivés ici, ceux de Thrace ; ils avaient perdu beaucoup de nos anciennes traditions, et ils ont contribué à nous les faire perdre à nous mêmes... » Les traditions et les mœurs, basées en grande partie sur la religion, empêcheront peut-être encore longtemps les Turcs de s’occidentaliser ; mais occi-dentalisme est-il exactement synonyme de civilisation et de culture, et ne pouvons-nous pas concevoir qu’un peuple oriental, progresse, se civilise, élargisse son horizon, sans adopter des coutumes, ou même des idées, contraires à son tempérament, à ses croyances, au génie propre de sa race? Je crois, pour ma part, que les prescriptions de l’Islam et surtout l'interprétation un peu étroite et rigide que continuent d’en faire, à l’usage du peuple turc, les personnages religieux les plus influents, rendra certains progrès plus difficiles et plus lents. Mais le nombre des esprits qui, sans nullement renier la foi des ancêtres, cherchent à l’accorder avec les tendances de la vie moderne, augmente chaque