124 LA QUESTION TURQUE kiosque de Bostangis-Bachy, le sieur Grelot ajoutait : « Ces kiosques sont fort propres à entretenir l’humeur rêveuse des Turcs. Ils se mettent là-dedans sur un sopha ou estrade, avec une pipe de tabac et quelques flingeons ou tasses de café, et y demeurent des deux ou trois heures en compagnie, sans tenir de grands discours les uns aux autres, et y dire autre chose que quelques mots entre-coupés de gorgées de café, qu’ils boivent extrêmement chaud et à plusieurs reprises (1). » Pourtant ces Turcs d’autrefois, que Grelot avait aperçus dans leurs kiosques, fumant leur chibouk et sirotant leur lasse de moka, avaient été des gens terriblement actifs. Pourquoi ceux d’aujourd’hui ne le seraient-ils plus? Des apparences semblables ne pouvaient-elles pas dissimuler une réalité identique et permanente? Je demandai au docteur Chehabeddin de m’aider à débrouiller cette énigme, en analysant pour moi le caractère turc, tel qu’il le connaissait, tel qu’il l’éprouvait lui-même. Djénab Chehabeddin Bey, vice-président du Conseil Supérieur de Santé, médecin, psychologue et écrivain, est l’un des esprits les plus pénétrants et les plus réfléchis de la Turquie contemporaine. Je l’avais rencontré à San Stefano, chez l’excellent romancier Halid Zia, et quelques phrases, qu’il avait jetées assez négligemment dans la conversation, m'avaient donné à penser. Il voulut bien venir me voir à Constantinople et résumer, dans un entretien de quelques heures, les"méditations et les expériences d’une vie d’observateur et de savant. (1) Relation nouvelle d'un voyage de Constantinople, par le sieur Grelot. Paris, 1681, p. 102-103.