168 LA QUESTION TURQUE jestueuse maison où l’on recueille aujourd’hui les aliénés. Un porche monumental, une gigantesque cuisine, où le jour ne pénètre que par l’ouverture de la haute cheminée en pyramide, de vieux jardins à l’abandon, de petites cours à colonnades séparant des corps de" logis sans symétrie, des escaliers grandioses attestent l’antique et noble origine de cette demeure. Mais ce qui fait notre admiration fait précisément le désespoir du jeune médecin qui nous sert de guide. « Rien, — dit-il — n’était moins propre que celte maison à accueillir nos malades : heureusement, ils ont l’air, le soleil et la vue si reposante de la mer. » Dans la cour centrale, qu’entoure un large cloître, les fous les moins gravement atteints se promènent en liberté, d’autres sont assis ou étendus au soleil ; tous portent la même robe blanche, ample, commode et propre. On nous montre trois jeunes gens, des officiers, revenus des prisons anglaises de l'Egypte et de l'Inde. « Il y en a d’autres, plus malades, — dit le docteur. Je crois qu’ils sont victimes des mauvais traitements qu’ils ont subis. » Nous faisons le tour des services : malades organiques, nerveux, agités, malades atteints de folie religieuse. J’ai visité quelquefois en Europe des maisons analogues. Ce qui me frappe ici, c’est encore, toujours, comme partout en pays musulman, une certaine résignation empreinte de douceur et de calme. Au cours de ma triste promenade, j’observe de mornes contemplations, de profonds avilissements ; je ne rencontre pas d’affreux désespoir. Les femmes, moins silencieuses que les hommes à notre passage, s’approchent, interpellent le méde-