LES TURCS ET L’iSLAM 115 La politique française, au contraire, tendrait à s’inspirer de ces convenances collectives et de ces intérêts généraux qui constituent pratiquement une espèce de droit. Mais voilà que cette approximation est jugée insuffisante. Les États-Unis et le Japon n’admettront pas que la question d’Orieni soit réglée en fonction des seules convenances, des seuls intérêts européens. De son côté, le peuple turc — environ 20 millions d’individus — invoque les privilèges du Président Wilson et réclame le droit de se gouverner lui-même, de vivre indépendant et libre. L’Europe voyait avantage à ce que les Turcs, « tout en restant faibles, ne fussent point barbares ». Cette conception européenne, touchant le sort des Turcs, nous paraît aujourd’hui un peu étroite, et peut-être même contradictoire. On a vu rarement qu’un peuple qui n’a pas encore atteint à un haut degré de civilisation, s’en rapprochât en s’affaiblissant. C’est ordinairement le contraire qui arrive, et les progrès de la civilisation accompagnent ou suivent, à quelque intervalle, ceux du bien-être matériel et de l’organisation sociale et politique. Mais alors la question se pose de savoir si les Turcs sont capables de ces divers progrès. S’ils ne le sont point, si — comme l’ont affirmé récemment quelques hommes politiques,—les triples liens de la religion, de la législation et de l’organisation sociale islamiques retiennent la nation turque dans une immobilité définitive, la condamnent à demeurer essentiellement ce qu’elle était il y a neuf siècles, lorsqu’elle a franchi l’Euphrate et conquis l’Asie sur l'empire byzantin ou même, il y a quelque 'cinq cents ans lorsqu’elle s’estinstallée à Constantinople,