CONSTANTINOPLE ET LE CONTRÔLE INTERALLIÉ 41 mélancoliques sur un passé glorieux et évanoui, rêves de violence et de vengeance ? qui peut savoir ? Le Ramazan, avec ses jeûnes, ses prédications, ses cérémonies, semblait avoir réveillé tout ensemble, dans la vieille ville musulmane occupée par l’étranger infidèle, la force du sentiment national et l’ardeur de la foi religieuse. Le vingt-cinquième jour du mois de pénitence, la solennité de la « Grande Prière » me ramena à Stamboul quelques heures après le coucher du soleil. Quand je pénétrai dans Sainte-Sophie, l’immense basilique était déjà pleine: le parvis était réservé aux fidèles, ou avait abandonné aux curieux la galerie circulaire du premier étage. Des officiers, des diplomates et leurs invités causaient bruyamment et faisaient les cent pas en attendant la cérémonie. En bas, c’était le recueillement, l’immobilité et le silence. Régulièrement alignés dans le sens des longues nattes étendues sur le parvis, assis sur leurs talons ou prosternés la face contre terre, les croyants priaient déjà. Sur le même rang, on voyait coude à coude des hommes et des enfants revêtus de la longue robe traditionnelle, d’auLres en veston ou en bras de chemise, des officiers, des soldats et des marins en uniforme. Au premier rang delà tribune qui s’élève face au meniber, deux vieillards à longue barbe, enveloppés l’un d’un manteau pourpre, l’autre d’une soie verte brochée d’argent, semblaient être des figures de roi ou de prophète détachées de quelque mosaïque. Jamais Sainte-Sophie ne m’était apparue si belle. La demi-obscurité rendait presque invisibles les affreux boucliers verts accrochés aux