LES TURCS ET L’iSLAM 121 niser le pays, après avoir étudié les systèmes pratiqués à l'étranger, devront les transformer, lesaccom-moder au caractère de notre peuple, à ses traditions religieuses et sociales, aux conditions particulières de son existence. « Soyez bien persuadé que le peuple turc sent confusément, mais profondément cette nécessité. Il aspire à être gouverné, il aime l’autorité et abhorre l’anarchie; mais il ne se soumettra qu’à une autorité conçue et exercée suivant les mœurs et les traditions de sa race. Au temps où j’étais vali de Salonique, des troubles éclatèrent en Albanie. On envoya de Constantinople une commission pour étudier sur place les causes du malaise et aviser aux remèdes qu’il convenait d’y apporter. Les commissaii’es, en passant, vinrent me rendre visite. Un vieux cadi, qui ne savait pas lire, mais que j’estimais pour son bon jugement, s’approcha de l’un d’eux et lui dit doucement : « Où vas-tu? — En Albanie. — Pourquoi faire? retourne à Constantinople : ce n’est point là-haut, c’est là-bas qu’il y a quelque chose à changer. » Voilà leur sagesse. — Mais, — demandai-je, — ces réformes, accommodées au caractère et aux besoins particuliers du peuple turc, voyez-vous ici des hommes capables de les élaborer? — Non, répondit le ministre. — Envoyez-vous du moins qui soient aptes à guider des spécialistes étrangers dans celte tâche difficile, qui consiste à transformer un système logique en organisme vivant et durable ? — Oui, il y en a, qui tout ensemble connaissent assez bien les méthodes étrangères et sont assez im-