166 LA. QUESTION TURQUE vingl paras, perçue à leur profil sur chaque boîte de cigarettes vendue dans l’Empire, procure environ quatre cent mille livres ; le reste est demandé à la charité privée, qui fournit aussi du linge et des vêtements. Les enfants des deux sexes sont élevés dans l’orphelinat jusqu’à dix-neuf ans ; à chacun d’eux, on enseigne un métier manuel. Les garçons, lorsqu'ils ont acquis l’instruction primaire, sont envoyés en apprentissage dans les ateliers de la ville ; leur journée de travail accomplie, ils rentrent chaque soir dans leur famille. Et après ? ces fils de paysans retourneront-ils d’où ils sont venus? on m’explique que rien n’est moins probable. Tous ces orphelins sont désormais non seulement sans famille, mais sans foyer. Leurs villages ont été détruits par l’incendie ou par le canon de l’ennemi. Partout où les Grecs ont passé, ce n’est que ruine ; les contrées d’où ils se retireront ne seront plus qu’un désert. Et ces provinces d’Anatolie, qui comptent parmi les plus riches de l’Empire, n’avaient plus connu l’invasion depuis six siècles ! Aujourd’hui elles sont, non seulement ravagées, mais dépeuplées, et le jour où l’on voudra remettre ce pays en valeur, il faudra commencer par y amener des habitants. Non, les petits Anatoliens 11e retourneront pas à leurs champs : beaucoup feront des ouvriers, quelques-uns pensent à devenir commerçants, d’autres veulent être soldats, et ces derniers m’entraînent devant un portrait de Moustapha Kemal — une simple carie postale — qu’ils ont entourée d’une guirlande de fleurs. Les filles, qui auront appris le métier de lingère, de blanchisseuse, de tricoteuse, se marie-