LES TURCS ET L’iSLAM était devenu vocalise franche et hardie; la voix — sans doute celle d’un jeune garçon — entrait par les fenêtres ouvertes dans le cabinet où nous causions, elle s’imposait, s’installait familièrement dans notre conversation. Tout en discourant, le ministre l’écoutait. Ce chapelet de notes claires, égrené fidèlement par combien de voix ! depuis des siècles, ne lui causait ni trouble ni embarras : c’était à ses paroles comme un accompagnement souhaité. Je suis sûr qu’à aucun moment l’idée ne vint au ministre d’imposer silence au chanteur : tous deux, chacun à sa mode, m’avaient rendu sensible et vivante l’âme de la Vieille Turquie. Je retrouvais à chaque pas, dans mes promenades à travers Stamboul, comme dans mes conversations et dans mes lectures, ce mélange singulier de mort et de vie, de résignation passive et d’énergie ardente. « Le Turc vit dans un rêve, — me disait un jour R... Bey —; malheureusement pour nous, le monde marche, et notre rêve est immobile. » Etait-ce bien vrai? j’inclinais à le croire, lorsque, sous les vieux platanes qui entourent la Chah-Zadé Djami, ou dans l’ombre silencieuse d’un petit café, je regardais es fantômes, absorbés par la contemplation d’on ne sait quel néant, et que j’attendais vainement un geste, un regard, un son qui révélât en eux l'être vivant. L’observation naïve d’un voyageur français du xvue siècle me revenait alors en mémoire. Après avoir minutieusement décrit les curiosités du fameux