54 LA QUESTION TURQUE avant que les alliés n’en soient sortis. Ils préfèrent mille fois l’indépendance en Asie à l’esclavage en Europe. Ils ne professent ni hostilité contre le souverain, ni mépris pour son grand-vizir ; mais ils savent que ce n’est ni le sultan qui règne à Constantinople, ni Tevfik Pacha qui gouverne. L’autorité suprême, unique, est celle d’un Anglais, le chef de la police, et ils se refusent à la reconnaître. « Je vais un peu plus loin : le jour où la capitale de l’empire sera revenue à des conditions de vie normales, je ne pense pas que les nationalistes s’y précipitent. Ils attendront quelque temps. Non seulement parce qu’ils se défient des alliés, mais parce qu’ils n’ont une entière confiance, ni dans le souverain qui s’est résigné à une demi-déchéance, ni dans les hommes actuellement au pouvoir, qui se sont soumis à un contrôle et à des restrictions incompatibles avec l’exercice du gouvernement. Il se peut que les Anatoliens demandent certaines garanties, exigent même certaines exécutions : on leur atti'ibue le dessein de remplacer le Sultan actuel par un autre membre de la famille impériale. Cependant il n’est pas probable qu’à ce moment-Ià les questions de personne jouent un rôle prépondérant ; c’est l’intérêt suprême du pays qui dictera leur conduite aux hommes de Constantinople comme à ceux d’An-gora et qui, en dépit des différences de programme et des querelles de parti, imposera l’union nationale. Cette union est nécessaire aux alliés aussi bien qu'à nous ; il leur appartient de la rendre possible et d’efi hâler l’événement. » Presque tous les Turcs que j’ai interrogés à Cons-tantiaople, qu’ils fussent professeurs, journalistes,