268 LA Qüesïiôn turque breuses seront les puissances admises à délibérer sur le sort de l’Orient et à en décider, plus il sera difficile à l’une d’entre elles de prétendre le régler à son avantage exclusif ou prépondérant. Or on peut dès à présent tenir pour assuré que ni les Etats-Unis ni le Japon ne souffriront que l’Europe fixe, sans les consulter, soit le sort de Constantinople, soit le statut des Détroits, soit le régime politique des diverses nations qui peuplent le Levant. Nous voilà bien loin de cet « arbitrage européen », dont Emile Faguet disait « qu’il n'a nullement pour but la défense d’un droit, mais qu’en ayant pour but la satisfaction de convenances collectives, il se rapproche du droit ». Je ne prétends pas que nous ayons fait des progrès depuis vingt ans et que cette approximation du droit nous semble aujourd’hui insuffisante. Ce n’est pas tant dans nos théories ou dans notre morale politique que s’est'opéré ce grand changement ; c’est dans la mentalité des peuples réputés inférieurs et traités comme tels. Longtemps ils furent l’objet passif ou résigné de nos arbitrages ; désormais ils n’y consentent plus. Ils exigent que leur statut soit réglé, non d’après les convenances d’autrui, mais en raison de leurs propres droits. En restituant, par leur victoire, la vie, la liberté et l'indépendance aux petites nations de l’Europe centrale les Alliés ont inauguré un principe dont ils ne peuvent plus se départir ; leur générosité les oblige. L’esprit nationaliste s’est réveillé partout dans le