LES TURCS ENTRE l’oCCIDENT Et'l’oRIENT 105 blait s’ingénier à lui préparer le terrain. En soulevant imprudemment la question de Constantinople, on avait posé du même coup celle du Califat : la cause des Turcs devenait celle de l’Islam tout entier. Pour la première fois, on vit les musulmans de l’Inde arborer l’étendard vert et s’armer pour défendre les droits du Calife de Constantinople. En Afghanistan et en Perse, des révoltes éclatèrent, où le zèle religieux exaspérait la violence du sentiment national. Un Anglais, qui connaît bien l’Asie, a pu dire avec raison que, par l’erreur persévérante et opiniâtre de quelques hommes — les « Indiens » de Londres et de Constantinople — le panislamisme, qui n’était qu’un idéal, devenait une réalité. Avait-on assez souvent répété depuis dix ans, à Londres et à Paris, que le Califat turc ne possédait plus dans l’Islam ni autorité ni prestige ! A force de l'entendre dire par les Grecs, on avait fini par le croire. Et voilà que les événements démontraient le contraire. L’établissement du Califat à Constantinople a évidemment contre lui quelques textes des livres sacrés musulmans. Mais il a pour lui six siècles d'histoire et l’acceptation formelle ou tacite de la plus grande partie du monde islamique. Les musulmans de l’Inde et de l’Arabie distinguaient, il est vrai, le centre personnel de l’Islam, constitué par le Calife, du centre local, qu’ils placent dans les villes saintes et dans la région environnante. Plusieurs fois, ils ont envisagé la séparation du pouvoir spirituel du Calife d’avec la possession temporelle des saints lieux : ce système eût présenté l’avantage de diviser les responsabilités, au cas d’une guerre sainte ou d’une vaste agitation panislamique. Mais