4 LA. QUESTION TURQUE Scutari. Les Turcs, élonnés et inquiets, se demandèrent quel était exactement le sens de la décision que les Alliés avaient prise et quel sort cette décision leur réservait. Ils se le demandent encore aujourd’hui. Une promenade de quelques heures à travers Constantinople occupée révèle à l’esprit le moins averti les signes évidents du désordre et du malaise qui résultent d’une situation paradoxale. Un séjour de six mois m’a donné tout loisir d’analyser, d’approfondir cette première impression, et n’a fait que la confirmer. En interrogeant tour à tour les représentants des diverses « nations » qui, tant bien que mal, depuis des siècles, vivent côte à côte dans la capitale comme dans les provinces de l’Empire ottoman, en étudiant sur place les divers aspects de la « question turque », telle qu’elle se pose aujourd’hui, j’en suis venu parfois à me demander si n’importe quelle solution n’eût pas mieux valu que cette absence de toute solution, cette confusion systématique et compliquée qu’entretient depuis trois ans en Turquie l’indécision des Alliés, ou leur désaccord. Pourtant, à la réflexion, on reconnaît que certaines des solutions proposées auraient entraîné des conséquences peut-être irréparables, et que ce chaos prolongé, quelques dommages qu’il cause, a du moins l’avantage de réserver l’avenir. Encore ne saurait-il plus le réserver très longtemps. Qu’il s’agisse de Constantinople ou des Détroits, de l’Asie Mineure ou de la Thrace, ces questions ne peuvent plus être réglées selon la pure convenance de l’état ou du groupe d’états qui se trouvera assez fort pour imposer sa volonté. Un problème les do-