l’affaire le maire (1757-1764) 137 le mot : Echelle, Echelle du Levant, qu’on avait fini par se persuader que Raguse était une Echelle du Levant, quelque chose comme une Alexandrie ou une Smyrne chrétienne. Cette erreur avait produit un double effet : un consul, ayant fait toute sa carrière dans le monde islamique, se trouva mal à l’aise dans une République du Ponant ; d’autre part, le Gouvernement français, complètement oublieux des traditions de l’ancienne monarchie, s’habitua de plus en plus à considérer Raguse comme en marge de l’Europe chrétienne. Cette erreur ne fut reconnue et réparée que par la diplomatie de Louis XVI. Or, Raguse était bien, à n’en pas douter, une république occidentale. Son patriciat ne différait pas sensiblement de celui de Venise, de Gênes ou de Lucques. Malgré le caractère slave de son peuple et sa situation géographique qui en fait une dépendance de la-péninsule balkanique, son histoire, son génie, sa civilisation, son architecture, sa constitution, en un mot tout ce qui lui donnait une physionomie particulière et une place dans le « Miroir du Monde » la rattachait à l’Occident. Cet être « ambigu et charmant1 » qui avait fait brèche dans PIslam, cette sirène suspendue sur les flancs du géant oriental, était une république aristocratique slavo-latine. D’avoir méconnu ce double caractère de Raguse, ce fut la source de tous les conflits franco-ragusains de 1759 à 1774. Dans ce milieu, la présence d’un diplomate « levantin » était souverainement déplacée. L’homme qui était indiqué pour Alger, pour Chypre et, plus tard, pour Coron, devait échouer à Raguse. Cette mauvaise pratique — dérivée d’une conception étroitement bureaucratique — d’envoyer auprès 1. René Millet.