196 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS l’ADRIATIQÜE personne. Ayant appris qu’elle était à Rome, il lui envoya un domestique, travesti en officier, avec de l’argent, pour la déterminer à venir à Pise. A son arrivée, il commença à médire de l’impératrice et à lui faire entrevoir que c’est elle qu’il placerait sur le trône de Russie. Après cela, il se déclara son amant et il finit par dresser le contrat de mariage. Par cet artifice il l’invita à Livourne et la fit dîner à bord d’un de ses navires. Lorsqu’ils achevèrent de dîner, il lui déclara d’ordre de l’impératrice qu’elle devait se rendre, comme prisonnière, à Pétersbourg'. Le patricien achève son rapport par cette phrase : « Qu’il ait commis un trait pareil, je ne m’en étonne pas trop, mais qu’il l’ait raconté à un souverain comme Son Altesse Royale le grand-duc, je ne pourrai jamais assez m’en étonner ! » Pendant que ce drame, digne du cinquecento italien, se déroulait en Toscane, Ragnina conférait avec l’entourage d’Orlov. H ne s’attendait pas à voir remise à l’ordre du jour la question de la chapelle grecque. De Vienne il avait écrit au Sénat2 : « Orlov n’est pas un méchant homme, mais excessivement fin et rusé. J’ai remarqué qu’il avait pour nous une sorte de haine et de profonde antipathie. Je ne peux cependant pas croire qu’il nous demandera l’érection d’une chapelle grecque. Je n’en ai jamais entendu parler à Pétersbourg et je ne crois pas que cela puisse avoir de l’importance pour eux. » Ragnina se trompait. Si le gouvernement impérial à Pétersbourg avait cru prudent de passer sous silence la question de la chapelle, n’était-ce pas là condescendance tacite aux instances de Frédéric et 1. n Un épisode, dit Ramband, qui fait peu d'honneur à cet Orlof », Histoire générale, VII, 492. Kambaud dans son « Histoire de Russie a ne fait aucune mention de ce drame, qu'il a pourtant effleuré dans l'Histoire générale. 2. lo novembre 1774, op. cit. Documents, xxih.