116 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS L’ADRIATIQUE Venise qui, déjà en pleine décadence, isolée en Europe, ne possédait plus la force de repousser a limine une prétention si injurieuse pour son prestige. Le ministre français de la marine, à la nouvelle de l’arbitrage de la Porte, résumait l’impression du Gouvernement dans une dépêche du 24 septembre 1753. « Si l’événement— écrivait-il à l’ambassadeur à Constantinople1 — trómpeles espérances des Vénitiens, et s’ils y trouvent quelque humiliation, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux et à la conduite qu’ils ont tenue vis-à-vis des Ragusois qui ont la raison et le droit de leur côté. Dès le principe de cette affaire, je n’en ay pas eu meilleure opinion, et il paroit que messieurs de Raguse ont remis leurs intérêts en d’assez bonnes mains pour ne pas appréhender que les intrigues et l’argent des Vénitiens l’ayent emporté sur la justice de leurs représentations et l’habileté de leur ministre. » L’issue des négociations qui eurent lieu à Travnik, résidence du Pacha de Bosnie, justifia l’éloge décerné par le ministre français à la diplomatie ragusaine. La Porte était représentée par Mehmed Pacha, Venise par le colonel Giuseppe Zannoni, Raguse par Mathieu Sorgo. Venise, dès les premières séances, dut abandonner son intransigeance. Elle renonça à percevoir les taxes sur les bâtiments ragu-sains dans l’Adriatique, quitte à exiger une indemnité périodique à titre d’hommage pour son droit théorique sur la mer. Raguse, fidèle à sa vieille politique, se contenta de la proie et lâcha l’ombre. On discuta longtemps sur la nature du don que la République de Saint Biaise présenterait tous les trois ans à la Reine déchue de l’Adriatique. Les négociations furent plusieurs fois sur le point de se rompre. Le Pacha proposait une fourrure, Venise un objet en 1. Archives de la Marine, B’ 198, fol. 414.