40 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS L’ADRIATIQUE même le Saint-Père d’y appartenir. Et on a cru voir en ma personne un émissaire de Rome, chargé par le Pape d’étouffér la persécution que le Roi exerce avec raison contre cette secte. Le Pape, ajoute Gradi, qui n’est pas dans les meilleurs termes avec le Roi, n’a pas voulu me donner un bref. Il m’a donné seulement la bénédiction apostolique. L’ambassadeur de France était contraire à mon départ. Bref, on a voulu faire une méchanceté au Pape (un dispetto al Papa). Cela tourne au déshonneur du Roi, qui tient beaucoup à la gloire et à l’estime du public. » Le jansénisme supposé de Gradi a donc joué certainement un grand rôle dans cette décision indigne du grand Roi, qui « ne passa jamais devant la moindre coiffe sans ôter son chapeau », et de la couronne de France toujours si bienveillante envers la petite République. Mais le fait est que, de l’aveu même de Gradi, le moment avait été singulièrement mal choisi pour envoyer au Roi, en mission, un prélat pontifical, l’ami et le confident d’un pape qui, cette même année, dans la fameuse question de la « Régale », avait adressé à Louis XIV un bref — le troisième en deux ans ! — où il l’invitait, en termes sévères, à respecter les droits de l’Eglise *. Gradi, cependant, passe sous silence une autre cause de l’échec de sa mission : l’hostilité de Louis XIV envers l’Espagne, dont Raguse était la protégée, hostilité qui lui avait fait soupçonner la République 1. Coïncidence intéressante, l'expulsion de Gradi est suivie & la distance de deux mois de la disgrâce de M. de Pomponne. Il est destitué comme janséniste et remplacé par de Croissy, frère de Colbert. Gradi en donne de Rome la nouvelle au Sénat : « En France, écrit-il le 16 décembro, M. de Pomponne a été révoqué de sa charge de premier secrétaire sous le soupçon de jansénisme. car il est le neveu du chef de cette secte, bien qu*> la cause île sa disgrâce soit tout autre. » Correspondance de Irradi, ibid.. n* 10D3.