62 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS l’ADRIATIQDE de Murano et de Prague, toute cette magnificence que la tourmente napoléonienne et la banqueroute de la noblesse dispersèrent aux quatre coins del’Eu-rope nous Pavons voie encore en partie dans les salons de quelques vieilles patriciennes ragusaines où la lumière discrètement tamisée à travers les lourdes portières de damas rouge de Florence jetait de pâles rayons sur une grandeur éteinte. Ce vieux patriciat, dont les destinées s’acheminaient vers le tombeau, et qui offre des ressemblances psychologiques si frappantes avec le patriciat vénitien, mais qui avait, grâce à son sang slave, des mœurs plus patriarcales, n’auraitrien souhaité si ardemment que l’engourdissement indéfini d’une Arcadie aristocratique sur cette plage ensoleillée de l’Adriatique. La grande génération des Marino Caboga, des Nicolas Bona, des Etienne Gradi n’était plUs. Le commerce — pratiqué, d’ailleurs, par une bourgeoisie hardie et active dont la vie se passait tout entière sur la mer — et les jouissances d’une vie partagée entre la campagne et la littérature étaient le souci principal d’une oligarchie décadente, mais douce et respectée. Comme son grand modèle, Venise, la République de Saint-Biaise se trouve au xvme siècle politiquement en décadence. Le patriciat n’a certainement pas déserté sa mission historique ; et les rênes du gouvernement n’échapperont- pas de ses mains. B faudra qu’un lieutenant de Napoléon vienne le lui arracher par la force — mais les traits du régime oligarchique, peints si magistralement par Macaulay, se sont aggravés. Raguse est « saisie par des alarmes hypocondriaques à la moindre nouvelle sensation, elle tremble à chaque souffle ; elle saigne pour la plus petite inflammation ». Sa fonction, c’est-à-dire son rayonnement commercial et civilisateur slave sur les Balkans et jusqu’aux portes de l’Asie a diminué graduellement. Et sa décadence,