70 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS l’ADRIATIQUE grands Encyclopédistes. Au cœur même du mouvement qui emportait la société à son insu, et malgré les beaux gestes copiés sur les héros de Plutarque, vers une émancipation complète de l’esprit antique, Raguse plus que Venise, plus que Rome, reste clouée dans l’impénitence finale de son latinisme. Voltaire, qui exercera une influence si considérable sur les idées sociales de quelques acteurs politiques des derniers jours de l’indépendance ragusaine, n’en a aucune en littérature. Le poète satirique Resti lui applique en passant un vers dédaigneux : Volteri frigida carmina. Un autre poète, avocat, professeur, harangueur des foules romaines en 1798, GagHuffi, en passant par Ferney, est frappé à la vue d’une petite chapelle érigée, lui dit-on, par l’auteur de « Candide » et il compose sur-le-champ l’épigramme suivante : Erexisse Deo templum Vollerrius unuin. Dicitur ! Heu! manibus quot cecidere suis1. Un vers à l’adresse des poésies du philosophe de Femey, un autre narguant son impiété, et c’est tout. L’auteur du « Contrat social » n’est pas nommé une seule fois chez les auteurs ragusains. Mais en revanche quelle avalanche de classicisme ! Cette ville latine, sla visée par une longue accession d’éléments d’outre-monts' oîi la comédie populaire rit dans un dialecte pétillant comme le vénitien, reste fidèle jusqu’au bout à la langue latine que ses fils manient en prose et en poésie avec une élégance, un tour hardi et sûr, une profondeur et une diversité d’application dignes des temps des grands Humanistes. Nous ferons dans ces articles ample connaissance 1. On dit que Voltaire a érigé un temple à Dieu ! Hélas ! combien d'autres s'écroulèrent de ses mains !