RAGUSE ET LA RUSSIE (1770-1775) 178 peuple russe, expulser l’infidèle de l’Europe et rendre à l’orthodoxie sa métropole purifiée *. » Le jour devait fatalement arriver où les flottes improvisées de Catherine rencontreraient les navires de la petite Hollande remuante de l’Adriatique, plus active encore que son grand modèle. Venise et Ra-guse proclamèrent leur neutralité dans le conflit qui allait s’engager entre le Grand Turc et la Tsarine. Mais tandis que la République des lagunes, beaucoup plus éloignée du théâtre de la guerre, libre de tout engagement vis-à-vis des belligérants, pouvait se donner le luxe peu coûteux d’une neutralité complète, la situation de la République de Saint-Biaise était bien différente. Le lien tributaire qui la hait à la Porte limitait sa volonté de rester neutre. Sans être obligée de secourir la Turquie, tout en étant bien décidée à garder sa neutralité comme du temps de la Sainte-Ligue, elle ne pouvait non plus résister toujours aux appels du Sultan qui lui réclamait des bâtùnents de transport pour ses troupes. Elle lui refusait à vrai dire ce service, officiellement, mais, pour ne pas rompre en visière avec une Puissance qui l’entourait de tous côtés, elle permettait souvent à ses capitaines de prêter leur concours aux forces maritimes ottomanes, quitte à les désavouer plus tard, à l’heure du péril. L’entrée d’une flotte russe dans la Méditerranée n’avait pas seulement frappé de stupeur la Porte. Les deux républiques de l’Adriatique n’en étaient pas moins déconcertées. Venise augmenta le nombre de ses navires de guerre, malgré l’état déplorable dans lequel se trouvait sa flotte, naguère si puissante. Raguse, malgré les informations de son Consul général à Gênes, qui écrivait à la République, à la date 1. A. Sorel.