TRAITÉ DE VIENNE 1684- RAGUSE AU XVIIIe SIÈCLE 83 et que les menaces que vous pourriez leur faire de les en priver, ne les réduise à se servir à l’avenir de la bannière de France. « Cependant j’attendrai les mémoires que vous devez m’envoyer sur ce sujet. » Par un phénomène des plus étranges, tandis que Venise se servait du pavillon ragusain pour faire le commerce du Levant, en Dalmatie les deux Répu-pliques vivaient dans la mésintelligence la plus complète. Venise continuait la guerre, glorieusement commencée par Francesco Morosini, sur tous les points de la frontière turque. Ses armées s’approchaient de Raguse. Girolamo Cornaro, le généralissime, avait fait trembler la petite République. Celle-ci se tourna encore une fois du côté des Turcs, en favorisant de toutes ses forces et dans le plus grand secret les intérêts de ses voisins musulmans, qui étaient, malgré tout, bien moins dangereux à son indépendance que la République de Saint-Marc. Les rapports des Provéditeurs généraux vénitiens sont remplis de doléances contre Raguse. Tantôt c’est une caravane attaquée par des Turcs amis des Ragusains, tantôt des incidents de vaisseaux, de douane, des arrestations arbitraires, des vexations, des interdictions de commerce, des protestations contre les timides essais de Raguse pour reconstituer sa petite flottille de guerre, une série ininterrompue de chicanes, de ruses, de luttes d’influence entre les deux Etats adriatiques auprès de la Porte aussi bien qu’auprès de l’Empereur. Le Provéditeur général Alessandro Molin ne se privait pas d’appeler Raguse « la peste de la Dalmatie, le flambeau de la guerre et un éternel tintamarre en temps de paix ». Guerre en Dalmatie, entente dans le Levant ! Mystérieuses « combi-nazioni » des vieilles aristocraties ! En 1692 Raguse envoya à Venise Séraphin Bona pour y résider et