56 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS L’ADRIATIQUE palais bâti pour lui », comme l’affirmait le doge à l’ambassadeur de France — tracassé, contrôlé, se répandit, peu de temps après son arrivée, en plaintes amères dans ses lettres à l’Empereur et considéra le poste de Raguse comme le tourment de sa vie. La République refusa toujours de contribuer effectivement aux campagnes de l’Empereur. François Gondola, fortement soupçonné par le gouvernement vénitien d’être l’intermédiaire entre l’Empereur et Raguse, pour une coopération de la petite République contre la France et qui se trouvait depuis 1659 au service de Léopold, n’avait plus avec sa patrie que des rapports intermittents et même souvent désagréables, comme sa correspondance caustique avec son frère et avec le patricien Marc Bassegli le prouve abondamment *. Malgré l’évident intérêt que la République avait ménager le grand Roi et à se faire bien petite au milieu des conflits qui ensanglantaient l’Europe, Louis XIY la soupçonna toujours et considéra ce traité de protection comme un nouvel atout entre les mains de son ennemi héréditaire. En 1688, pendant que se préparait la guerre dite de la ligue d’Augs-bourg, Louis XIV mandait à son ambassadeur à Venise qu’il avait reçu des avis de Vienne comme quoi la République de Raguse aurait offert à l’Ernpe-reur un secours de 40 000 écus pour l’aider à se rendre maître de l’Herzégovine. Le Roi désirait que M. de 1. Voici un exemple entre plusieurs. Gondola écrit de Prague (10 décembre 1683) à son ami Bassegli : « Je vois bien que vous Otes là-bas tous modelés de la mémo favon et qu'il faut dire des Ragusains : Noli vie tangere, et vivre loin d'eus pour vivre tranquille J« sais que vous êtes convaincu de cette vérité ayant fréquenté le grand monde hors des faubourgs de Raguse. » (Papiers Bassegli-Gozre). C'est sur ce ton-là que cet n agent » de Raguse écrivait à ses compatriotes.