102 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS L’ADRIATIQUE il y a la crainte de l’orthodoxie byzantine dont la catholique Raguse a tremblé tout le long des siècles. « Le Sénat craint — écrivait Ragnina à Remedelli — que les schismatiques n’arrivent par ce moyen à jouir du libre exercice de leur religion — ce que la République s’est vue obligée de refuser même à la Russie — et à créer de la sorte une nation dans la nation, en entraînant le bouleversement et la perte définitive de cet Etat *. » La situation, tendue à l’excès, menaçait de s’éterniser. Deux nouveaux incidents vinrent s’ajouter à la liste déjà considérable des griefs de Prévost : l’éternelle question de l’exportation du suif et l’arrestation d’un matelot ragusain engagé sur le bâtiment français « La Marie ». Dans cette seconde affaire, Prévost s’adressa directement au Recteur de la République, tout en n’ignorant pas que celui-ci était un président irresponsable et qu’il était même interdit par la Constitution de s’adresser à lui. Sur ces entrefaites, le Gouvernement du Roi se décida à une démarche qui, dans sa pensée, devait mettre fin pour toujours à ce malaise chronique et à ce qu’il considérait comme un mépris de la Couronne de France. La France, humiliée par la paix de Paris (10 février 1763), dépouillée de son empire colonial au profit de l’Angleterre, avec une marine grandement affaiblie, crut le moment favorable pour promener dans l’Adriatique son pavillon et pour amener à résipiscence la petite République dont le sans-gêne avait, au lendemain de la guerre de Sept ans, quelque chose d’injurieux. Le Prince de Listenois se trouvait avec son escadre dans les eaux de l’Archipel. Il faisait route pour la France. Le 31 mars, le duc de Praslin lui notifia 3 novembre, Ave h. Rag., ib.