54 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS L’ADRIATIQUE de facilité, veu le miserable estât où se trouvent présentement les Turcs *. » Un mois après cette conversation, le doge informa M. de la Haye que le ministre résident de l’Empe-reur, colonel Corradini, était airivé à Raguse et que « les Ragusois, de concert avec luy, faisoient tout leur possible pour attirer les Albanois et les Mor-laques dans le party impérial2. » Les détails que le doge avait donnés à M. de la Haye et que celui-ci avait fidèlement transmis au Roi avaient été fortement exagérés par le chef de l’Etat vénitien et probablement à dessein. Nous savons positivement, par la correspondance très détaillée et très consciencieuse du Résident impérial Corradini, que, loin de favoriser en quoi que ce soit la mission du ministre et la politique de l’Emperem', la République de Raguse en réalité se refroidissait vis-à-vis de l’Etat protecteur, à mesure qu’elle constatait le rétrécissement progressif des projets impériaux sur la presqu’île balcanique et la hâte que l’Emperem’ avait de liquider ses différends avec les Turcs et de concentrer tous ses efforts dans la lutte contre la France. Or, Raguse se souciait médiocrement de servir d’instrument à l’Empereur pour ses projets politiques en Europe. En se rapprochant de Vienne, elle n’v avait cherché qu’un appui éventuel contre Venise. Elle voyait déjà très clairement que les armes impériales n’occuperaient jamais à titre définitif les pays en deçà de la Save et du Danube. Dès 1684 un de ses patriciens, François Gondola, colonel au service de l’Empereur, écrivait à son frère Sigismond I. M. de la Haye à Louis XIV, Venise, 12 avril 1687. Archives des Affaires étrangères de Paris. Venise (Correspondance politique), 112, fol. 254, original en chiffre. i- M. de la Haye à Louis XIV. Venise, 10 mai. Ibid., 280, verso, original en chilfre.