90 LA MONARCHIE FRANÇAISE DANS l/ADRIATIQUE Si l’abstention systématique des conflits maritimes était devenue pour Venise une façon de sauvegarder son prestige et de masquer sa décadence, pour la petite Raguse cette abstention devenait une nécessité et la condition première de son existence politique. La chose n’était pourtant pas aussi facile qu’on serait tenté de le croire. Théoriquement, Raguse n’avait qu’à se tenir tranquille et à n’accorder aux belligérants ni vaisseaux, ni argent, ni contrebande de guerre. Pratiquement, l’abstention complète, absolue, était une impossibilité. Elle aurait entraîné la suspension de toute vie du petit organisme qui ne vivait que du commerce maritime. Raguse était un des commissionnaires de l’ancienne Europe. En temps de guerre pouvait-on réduire ce commissionnaire à l’inaction ? Mais c’est précisément la guerre qui lui ouvrait de nouvelles sources de gains et de bien-être et qui la rendait, d’ailleurs, particulièrement utile aux belligérants. Par une espèce de convention tacite, ceux-ci s’en servaient de toutes façons, quitte à se reprocher plus tard mutuellement l’abus qu’ils avaient fait du pavillon neutre. Certes, la petitesse de Raguse ne portait ombrage à personne, mais elle devait des égards à cette foule de protecteurs couronnés qui lui ont fait cortège dans l’histoire et dont la Turquie a été à la fois le plus exigeant et le plus redoutable. De là, les nombreux incidents de neutralité qui forment la trame de son histoire et l’intérêt soutenu que l’Europe accordait à la vieille cité. Pendant la guerre de la succession d’Espagne, Raguse fut constamment soupçonnée par la France de secrets accords avec l’Empereur. Non sans une certaine vraisemblance, d’ailleurs, puisqu’elle continuait, malgré la rectification de sa fontière qui l’avait rapprochée de la Turquie, à maintenu.' fidèle-