LE PROTECTORAT EN ORIENT, RAGUSE ET VENISE, ETC. 101 avait prospéré dans le commerce et sauvegardé sa factorerie indépendante. Orthodoxe, hispaniquement catholique sur son territoire, Raguse pratiqua un catholicisme large et sympathique sur la presqu’île balca-nique. Fidèle aux meilleures traditions de son xive siècle elle formula — déjà décadente et affaiblie — sous la plume de son patricien Mathieu Gondola en 1675, tout un programme pour le rapprochement, voire même l’entente cordiale des deux églises séparées, avec une précision dans le détail et un esprit pratique qui ont toujours fait défaut à la campagne généreuse, mais toute théorique, du Vatican et du Pape Léon XIII. Raguse avait des églises à Belgrade, à Roustchouk, à Nicopoli, à Silistrie, à Babadagh, à Provadia, à Andrinople, à Philippopoli, à Sofia, à Prokouplié et à Novi Bazar; des églises fondées et entretenues par la République. Elle y avait ses prêtres, ses évêques, ses cimetières — privilège énorme en Turquie — ses fondations religieuses. Elle exerçait le protectorat sur l’ordre franciscain en Bosnie. Elle obtint, par un iradé de 1620, la liberté du culte catholique en Herzégovine. Elle avait groupé, autour de ses colonies et sous l’œil vigilant de son Sénat et de ses ambassadeurs à Constantinople, non seulement ses propres sujets, mais aussi et surtout beaucoup de Serbes et de Bulgares qui, pour échapper aux lourdes impositions du clergé fanariote, se plaçaient à l’ombre du protectorat ragusain, en respectant le culte catholique, même quand ils ne l’embrassaient pas. Autour de leurs églises, dont quelques-unes étaient grandes et jolies, embellies de tableaux de grands maîtres italiens, les Ragusains se groupaient comme autour d’un étendard. L’exercice du culte et les affaires étaient dans l’esprit ragusain indisso-