TRAITÉ DE VIENNE 1684. RAGUSE AU XVIIIe SIÈCLE 51 petit, n’a moins risqué pour le sentiment ou pour des avantages lointains et aléatoires. Elle entendait bien être la protégée, la « cliente » de l’Empire, mais à condition que l’Empire se substituât à la Turquie et à Venise au seuil de son Etat. Elle se méfiait déjà assez des armes impériales pour ne pas se liâtcr de prendre cette grande mesure de préservation et de garantie enveloppée dans un acte de faux sentimentalisme et de latinité déclamatoire. Les appréhensions des Vénitiens justifiaient, d’ailleurs, cette politique. Elles se reflètent éloquemment — un siècle phis'tard — sous la menace du même danger, dans une dépêche du Provéditeur général vénitien, Giacomo de Eiva, adressée à son gouvernement à la suite d’un conflit de Baguse avec la Russie : « L’occupation de la Bosnie et de l'Herzégovine par les armes autrichiennes », écrivait de Riva en 1774, « serait suivie à brève échéance par la vassalité de Raguse envers César. Le grand port de Gravose deviendrait le chantier d’innombrables vaisseaux ragusains sous le pavillon de l’Empereur. On donnerait alors exécution au projet des anciens Empereurs de s’élever au rang de puissance maritime. Et de la sorte, l’ancienne liberté de l’Adriatique expirerait en un jour, si la République (vénitienne) en puisant des conseils dans le sentiment de sa dignité, en renouvelant ses anciens et les récents glorieux faits d’armes, n’était décidée à défendre l’Adriatique par tous les moyens dont elle dispose. Je tremble à l’idée d’une nouv elle floraison des Lazarets de Raguse sous les auspices d’une telle puissance ; la décadence du mouvement des caravanes à Spalato, à Sebenieo, à Scardona, la descente des marchandises des provinces occupées par les Turcs, laLom-bardie vénitienne tributaire du commerce de Raguse1. •> i. ülioubitch. Documents vénéto-ragusains, 111, p. 185.